261 – Le Masculin en Homéopathie – Article “Le travailleur de force ou adaptation à l’effort”

 

1- Eléments physiologiques

Les contractions musculaires représentent une chaîne d’événements mettant en jeu la respiration pulmonaire qui apporte l’oxygène, le foie et les adipocytes qui apportent les substrats nutritifs (glycogène, acides gras…), la pompe cardiaque qui permet de véhiculer le tout jusqu’au muscle qui travaille en se contractant.

261 Latanowicz travailleur de force schéma

Selon le type d’activité physique répétée, le développement de cette chaîne se fera au détriment du maillon le plus sollicité, permettant d’augmenter les performances.

L’entrainement en endurance sollicitera préférentiellement le muscle cardiaque et l’apport des substrats qui assureront l’effort dans sa durée.①

Les éléments communs aux deux exercices restent la même quantité d’exercice physique, très régulier, effectuée pendant un temps long.
Le travailleur de force (manutentionnaire, travailleur du BTP, …) devra développer à la fois sa musculature pour assurer le port de charges parfois très lourdes, et sa fonction cardiaque pour pouvoir effectuer ce travail dans la durée.
L’amélioration de la fonction cardiaque passe par l’augmentation du débit cardiaque (Qcard) qui peut être appréhendé par la mesure de la consommation d’O2. On sait qu’il existe une relation linéaire entre la consommation d’O2 et la fréquence cardiaque (FC) ; on peut donc connaître le débit cardiaque maximal (Qcard max) d’un sujet en mesurant sa consommation d’O2 à FC maximale (FCmax).
La FCmax diminue avec l’âge, rendant le sujet de moins en moins adaptable à l’effort continu, mais elle reste constante avec l’entraînement, indépendamment de l’exercice physique, constante chez les sujets au même âge et répond dans 90% des cas à la formule :

FCmax = 220 – âge

Le débit cardiaque, quant à lui, est fonction de la FC et du volume d’éjection systolique. Ainsi :

Q card max = Vejs max X FCmax
(où Vejs max est le volume d’éjection systolique maximal)

La FCmax étant constante, l’augmentation du débit cardiaque max (Qcard max) chez le sujet entraîné dépendra donc de l’augmentation du Vejs, qui lui-même dépend  de l’anatomie cardiaque et de la rigueur des contractions du muscle cardiaque.
Le Vejs peut être augmenté de 40 à 60 % par rapport au sédentaire, et le Qcard doublé chez le sujet très entraîné (30 à 40 l/mn contre 20 à 25 l/mn chez le sédentaire) !

On peut donc déduire la cascade suivante :
augmentation de l’effort aérobie => Žaugmentation de la consommation d’O2 =>Ž augmentation du Qcard max =>Ž augmentation du Vejs => développement du muscle cardiaque avec hypertrophie de la paroi ventriculaire (pour l’endurance ++) et la dilatation ventriculaire (pour le sport de force ++).

Cette hypertrophie cardiaque du sportif ou travailleur de force est à distinguer de l’hypertrophie ventriculaire gauche des patients atteints de maladies cardiovasculaires. En effet, le coeur du sujet sportif n’est soumis qu’un temps limité à l’effort fourni avec une post-charge faible, alors que le malade est soumis constamment à cet effort avec une post-charge importante.

Le sujet entraîné, ayant augmenté son Vejs de manière constante, va pouvoir diminuer sa FC de repos ou lors d’un effort sousmaximal pour assurer le même Qcard, et à tout moment de l’effort sous-max sa FC sera inférieure pour un même effort à celle du sujet sédentaire.

Courbe 1 : adaptation de la fréquence cardiaque (FC) en fonction de l’effort

261 Latanowicz travailleur de force courbe1

 

Cette courbe montre que pour le même effort effectué, la FC du
sujet sédentaire reste toujours supérieure à celle du sujet sportif,
au repos comme à l’effort.

 

 

 

Courbe 2 : adaptation de la FC en fonction de l’intensité de l’effort

261 Latanowicz travailleur de force courbe2

 

 

La FCmax sera atteinte plus rapidement par le sédentaire qui se
fatiguera plus rapidement et sera moins endurant par rapport au
sportif, avec les 2 courbes qui restent parallèles tout au long de
l’effort jusqu’à atteindre la FCmax qui se fera pour le sportif avec
un décalage lui permettant de prolonger son effort.

 

 

Courbe 3 : la ventilation (VO2) en fonction de l’intensité de l’effort VO2

261 Latanowicz travailleur de force courbe3

 

 

 

De même la VO2 du sportif est bien meilleure grâce à l’augmentation
du Qcard.

 

 

 

2- Limite des adaptations cardiovasculaires

Comme toutes les adaptations, les cardiovasculaires peuvent avoir, chez certains sujets prédisposés, des limites que l’on peut regrouper sous le terme de « coeur forcé du sportif » dans son aspect chronique, et de « fatigue myocardique » dans son aspect aigu.

2.1- le coeur forcé du sportif (ou du travailleur de force…)

Historiquement décrit comme une tachycardie d’effort ou permanente, inadaptée, avec sensations de palpitations et/ou de pincements limitant tout effort intense chez un sujet entraîné.

Deux anomalies peuvent être observées :

Les arythmies atriales ou ventriculaires liées à l’entraînement. Elles surviennent sur un coeur à priori sain, mais qui histologiquement présente des foyers de nécrose. Le facteur déclenchant est  souvent une extrasystole, l’arythmie pouvant être favorisée par l’étirement cellulaire mécanique en réponse aux variations importantes de pré et post-charge, par les perturbations électrolytiques (déshydratation, hyperkaliémie, hypomagnésémie, acidose…), et neuro-hormonales (levée du frein vagal et augmentation du tonus sympathique et des catécholamines circulantes).
L’intolérance à l’orthostatisme peut se rencontrer à la fois chez le sportif (10 à 15%) et les sédentaires (6%). Selon Greenleaf (1981) « un athlète hyper endurant peut courir mais il ne peut tenir debout immobile». Les signes sont variés : de la simple diminution de la tolérance à l’orthostatisme jusqu’à une sensation de fatigue prolongée pouvant durer plusieurs heures avec forte invalidation, qui surviennent après un exercice prolongé. Il s’agit d’une inadaptation de la réponse tensionnelle aux conditions de l’orthostatisme.

2.2- la fatigue myocardique

Au cours d’un exercice important tel que le triathlon, le marathon ou autres épreuves sportives ou travail intense de longue durée, on peut observer 2 types d’anomalies :

Des changements significatifs des fonctions ventriculaires systoliques et/ou diastoliques droite et/ou gauche qui sont rapidement
et totalement réversibles. On parle de «fatigue myocardique induite par l’exercice». L’anomalie le plus souvent rapportée est une baisse de la fraction d’éjection du ventricule gauche associée ou non à des anomalies de la cinétique segmentaire.
Une élévation de marqueurs protéiques myocardiques tels que les troponines, le BNP ou le pro-BNP, qui sont les marqueurs les plus fidèles aujourd’hui de l’ischémie myocardique et de la charge ventriculaire. Ici, plus que la durée, c’est l’intensité qui semble le principal facteur causal. Ces valeurs reviennent à la normale dans les 24 heures.
Une élévation des BNP et du pro-BNP survient lorsqu’un étirement cellulaire augmente, en réponse à une surcharge en pression ou en volume du ventricule, au cours d’efforts d’endurance longs et d’autant plus que le sportif est âgé. Elle semble plus fréquente et indépendante de celle des troponines.

La physiopathologie de ce phénomène est encore débattue mais il ne semble pas être synonyme d’une «souffrance myocardique».

Adaptations musculo-squelettiques

1- Évolution physiologique

Comme vu sur le schéma précédent, pour développer sa force musculaire dans une activité sportive telle que le culturisme ou l’haltérophilie, tout comme celle du travailleur de force, il faut une augmentation de la masse musculaire « pour soulever plus lourd ».
Cette augmentation se fait sur des muscles particuliers, en fonction du type de mouvement exercé, en sollicitant le maillon musculaire, au niveau de la plaque musculaire. ②
Le muscle, élément dynamique, est le plus rapide à réagir avant de tendre vers un plateau. Les éléments passifs (os, tendons, ligaments et cartilage) ont une progression plus lente mais significative à long terme.
Les muscles évoluent en développant leur capillarisation (augmentation du nombre de capillaires / mm2) ; le coeur et les gastrocnémiens peuvent ainsi augmenter leur capillarisation jusqu’à 50% avant d’atteindre un plateau.

La masse osseuse se densifie, mais de manière inégale selon l’exercice, le type de sport pratiqué ou la partie du corps sollicitée.
La course permet une densification de 12% au niveau de la colonne, 9% au niveau du fémur, et 0% au niveau du radius ; la  gymnastique active à la fois la colonne, le fémur et le radius ; l’escalade donne peu de progression. De la même façon on peut déduire  que le travail de force, en fonction de la sollicitation, aura un effet divers mais toujours minimalement positif sur l’os.
L’exercice, quel qu’il soit, permet de renforcer ligaments, tendons et cartilage.
Lorsqu’on soulève une charge lourde, la contraction de tous les muscles entraîne une augmentation de la pression intra-compartimentale musculaire par un blocage circulatoire rendant la postcharge très importante. Pour forcer cet obstacle, le coeur gauche doit augmenter la pression d’éjection avec pour conséquence une hypertrophie pariétale sans augmentation de volume des cavités.

2- Limite des adaptations musculo-squelettiques

En médecine du travail, chez le travailleur de force, se pose surtout le problème de la surcharge.
Les TMS (troubles musculo-squelettiques), en très forte progression depuis une trentaine d’années, sont la conséquence de l’inadéquation entre l’appareil locomoteur et l’activité exercée. Les situations sont d’autant plus préoccupantes que les charges sont lourdes ; un suivi plus rapproché tous les 2 ans (SIR = suivi individuel renforcé) est prévu par la loi lorsque les charges habituelles dépassent les 55 kg. De même les gestes répétitifs impactent directement l’intégrité musculo-squelettique.
Et cette situation ne peut que s’aggraver avec l’âge du travailleur.

Le port de charges représente une contrainte directe pour les articulations porteuses, en particulier la hanche et le genou qui supportent le poids de l’individu additionné de la charge portée. Rappelons que lors de la marche, au moment de la posture unipodale lorsqu’un membre passe d’arrière en avant pour réaliser un nouveau pas alors que l’autre reste au sol, le poids que supportent la hanche et le genou est 4 fois le poids du corps ! Ainsi, chaque kilo additionnel compte…

Les lombalgies, les tendinites de l’épaule, les épicondylites et les pathologies du genou sont les plus fréquentes dans le monde du travail.

Au niveau cardiaque, la lutte que représente la post-charge pour le ventricule gauche entraîne hypertension artérielle et augmentation
des lipides sanguins.

Soutien homéopathique

Soulager les arythmies (médicaments des palpitations)

Crataegus dont l’origine est sympathicotonique, présente un petit coeur rapide aggravé à l’effort, le soir et en position couchée ; besoin d’air, on ouvre les fenêtres ; aggravé aux émotions.
En haute dilution : arythmie par lésion myocardique.

Digitalis présente un rythme cardiaque bi, tri quadrigéminé, et ralenti, instable, anarchique, aggravé au mouvement, la sensation que le coeur va s’arrêter si on fait un mouvement. On peut observer une insuffisance cardiaque avec oedèmes et anxiété.

Spigelia est le médicament le plus représentatif des tachycardies, le coeur bat si violemment qu’on le voit palpiter sous le thorax et à travers les vêtements ; aggravation au mouvement, couché sur le côté gauche, amélioré immobile, la tête haute, couché sur le côté droit, air frais ; peut s’accompagner d’une douleur élançante du coeur irradiant dans le bras gauche.

Cactus présente les mêmes modalités que Spigelia pour les palpitations. Il présente une hypertrophie cardiaque (coeur forcé du sportif ou sujet âgé) et a une action sur les fibres musculaires circulaires entraînant la constriction. On assiste à des poussées congestives générales et locales avec des hémorragies de sang noir coagulant facilement, une douleur constrictive du coeur irradiant dans le bras gauche avec oedème de la main gauche et irradiation dans l’auriculaire. On constate une aggravation à 11h et 23h, à l’effort, couché sur le côté gauche, une amélioration à l’air frais, couché sur le côté droit, la tête haute.

Naja est le venin du cobra royal avec un tropisme pour le X et le XI, ce qui entraîne une atteinte dépressive sur la sphère cardiaque et respiratoire avec spasmes ; il renforce l’action régulatrice cardiaque de Spigelia. Le pouls est irrégulier dans sa force jusqu’à devenir imperceptible. Les palpitations sont si fortes qu’elles s’accompagnent de dyspnée empêchant de parler. Les précordialgies irradient dans la nuque avec suffocation et une sensation de fer chaud sur la poitrine. Aggravation la nuit, couché sur le côté gauche et l’alcool.

Convallaria présente un coeur lent au repos, rapide et arythmique à l’effort. C’est un bon cardiotonique.

Adonis vernalis convient plutôt aux vieillards séniles et obèses, avec palpitations, tachyarythmie. C’est aussi un bon cardiotonique.

Glonoinum présente une tachycardie et tachyarythmie avec battements carotidiens ressentis dans la tête au moindre effort, avec des bouffées de chaleur.

Aconit chez qui tous les signes cardiovasculaires sont accompagnés d’anxiété et agitation, en particulier les palpitations paroxystiques à pouls dur et tendu.

Iodum est à rapprocher d’un terrain hyperthyroïdien avec un coeur qui bat vite, chez un sujet mince qui a toujours chaud, qui est toujours en mouvement, aggravé par l’immobilité.

Strophanthus présente des accélérations ou des ralentissements irréguliers et intermittents du rythme cardiaque avec une instabilité du pouls.

Soulager le coeur

Arnica convient à toutes les surcharges cardiovasculaires : surmenage avec cardiomégalie, coeur forcé du travailleur de force sthénique et congestif ; amélioré par l’immobilité.

Arsenicum iodatum est le médicament de l’adaptation du coeur à l’effort convenant bien au vieillard fatigué.

Aurum est le grand médicament des insuffisants cardiaques avec cardiomégalie et oedèmes ; troubles du rythme avec battements rapprochés, silences prolongés, reprise par à-coup violent.

Crataegus qui, à part les arythmies, présente aussi une insuffisance cardiaque légère et réversible avec hypotension (action en basse dilution), l’impression que le coeur emplit la poitrine, une souffrance myocardique et coronarienne.

Kalium carbonicum présente des défaillances multiples avec une fatigabilité musculaire et cardiaque : tachycardie et arythmie au moindre effort, signes de surcharge de coeur droit, crises dyspnéiques vers 4h du matin, le sujet s’asseoit dans son lit, penché en avant, transpirant et anxieux.

Lachesis, médicament majeur de la ménopause et de l’alcoolisme, présente un déficit cardiaque avec un retentissement sur le rythme et cyanose.

Strophantus est un bon cardiotonique des patients âgés présentant une dyspnée d’effort.

Sulfur qui a la sensation que son coeur est trop gros ou trop plein, souffre aussi de palpitations nocturnes.

Veratrum viride, livide ou cyanosé, souffre de défaillance cardiaque pouvant aller jusqu’à un état syncopal, avec des battements ressentis dans tout le corps, un pouls lent et arythmique.
Il complète les médicaments d’action générale en phase critique d’éréthisme cardiovasculaire (Sulfur, Arnica, Aurum, Lachesis).
Prescrit au long cours, il évite les crises.

Apocynum cannabinum est un cardiotonique des patients oliguriques, comme Scilla maritima, cardiotonique et diurétique.

Soulager le muscle

Arnica est l’incontournable médicament du muscle et des capillaires : sensation de courbatures, de contusion, aggravé par le toucher avec la sensation que le lit paraît trop dur. Efficace pour diminuer les douleurs, il est cependant déconseillé de prendre le traitement avant l’effort pour ne pas masquer la fatigue musculaire et risquer de continuer l’effort au-delà de ses possibilités.

Soulager tendons et ligaments

Rhus toxicodendron, médicament le plus souvent indiqué, est nettement aggravé par le dérouillage (les premiers mouvements matinaux), en fin de journée par surmenage articulaire, et amélioré par un mouvement lent et prolongé.

Ruta est actif sur tendons et ligaments, amélioré par le mouvement sans dérouillage matinal.

Symphytum, médicament de la consolidation des fractures et de la formation du cal osseux, permet aussi de renforcer les insertions tendineuses ou ligamentaires sur l’os.

Soulager les articulations

Calcarea carbonica, victime de troubles métaboliques (obésité, goutte, pré-diabète) dus au ralentissement métabolique, lutte contre la surcharge pondérale et soulage les grosses articulations porteuses. Il prévient les dépôts calciques péri-articulaires : ostéophytes, périarthrite calcifiante…

Natrum sulfuricum souvent en surpoids, très sensible à l’humidité sous toutes ses formes, est le médicament du rhumatisme articulaire
avec infiltration des articulations et atteinte des grosses articulations porteuses telles que les hanches, genoux, chevilles.

Conclusion

Un travailleur de force ou un sportif de haut niveau qui va bien, n’a évidemment pas besoin de traitement.
Avec l’âge et certaines pathologies adjacentes qui apparaissent au cours de la vie, la résistance à l’effort s’amenuise, l’adaptation cardiaque est moins performante. Il est alors nécessaire de se pencher sur les conditions de travail, aménager le poste pour alléger la charge du travail, proposer une aide à la manutention, réorganiser le temps de travail. Un traitement homéopathique bien conduit complète les aménagements préconisés, permet d’optimiser l’adaptation cardio-vasculaire physiologique et prévient les complications pathologiques dues à la charge du travail au niveau musculo-tendino-articulaire.

Dr Olga Latanowicz

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Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou, Rennes), « Le coeur forcé du sportif », Club des cardiologues du sport, Cardio&Sport •
n°21, www.cluccardiosport.com
Dr Stéphane Doutreleau (Service de Physiologie et d’Explorations Fonctionnelles, Strasbourg), « La fatigue myocardique », Club
des cardiologues du sport, Cardio&Sport • n°21, www.cluccardiosport.com

 

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