262 – Addictions et Homéopathie – Edito

 

L’addiction est un mot récent dans la langue française. Il est sorti du latin mais pour mieux revenir par la fenêtre anglo-saxonne. Et nous l’avons rechipé aux anglais, qui nous doivent bien cela.
Les mots plus classiques pour désigner le phénomène ne manquent pas. Dépendance est sûrement le plus usité. Il est surtout utilisé pour l’alcool et pour les médicaments. L’usage du mot confond d’ailleurs la dépendance psychique et celle dans lequel la psyché n’intervient pas. On dira d’une maladie inflammatoire chronique (néphrose, rhumatisme…) qu’elle est devenue cortico-dépendante, alors que le psychisme n’y est pour rien.
Le mot accoutumance semble plus précis pour désigner ces pertes de liberté acquises. Il ne désigne que ce sur lequel le psychisme agit. Par contre, son imprécision vient de ce qu’il ne désigne pas forcément une pathologie. On s’accoutume à un nouveau pays, à un nouveau lieu, de nouvelles habitudes ou de nouvelles têtes.
Compulsion désignerait davantage la manière de satisfaire son addiction, par à-coup, par pulsion, que la dépendance elle-même.
Toxicomanie se rattache uniquement aux substances illicites. Curieusement, un terme théoriquement médical et psychiatrique (avec le suffixe « manie ») ne se rapporte qu’à ce que la loi interdit. On n’est pas toxico à l’alcool, ni au chocolat, ni au sexe, mais on l’est au cannabis.
En réalité c’est le terme d’assuétude qui correspondait à cette réalité qui obère l’existence de l’individu, avant que le terme d’addiction ne vienne le détrôner.

L’étymologie latine d’addiction ramène au langage de notre oiseau. Ad-dicere (dire à) désignait à Rome ceux qui n’avaient pas de nom et qui étaient « dits » appartenir « à » tel ou tel. On retrouve par l’étymologie la notion d’esclavage, mais retournée sur soi-même.
Beaucoup de nos patients se sentent « esclaves » de la cigarette, de mauvaises habitudes, de l’alcool. Si nous désapprouvons toujours l’usage de mots majeurs dans un contexte inapproprié, la privation de liberté est bien là.

Face à ces souffrances sans mots, ces aliénations à des éléments extérieurs, la force des individus est inégalement partagée. Le médecin privilégie les plus faibles, toujours. En cette matière, cela signifie avant tout la suspension de tout jugement.

Nous repensons à une discussion animée que nous eûmes lors de nos chères études avec un chirurgien vasculaire qui clamait haut et fort que les anti-agrégants plaquettaires auraient dû ne pas être remboursés aux fumeurs !

L’homéopathie dans tout cela a des armes. Elles sont modestes mais réelles. Comme avec les traitements classiques, la solution est au sein du patient, dans le dialogue, dans l’espérance du déclic. Les médicaments sont des aides, des catalyseurs, des étais, une fois le sevrage entamé. Les possibilités de nos granules dépendent de ce dont on parle.
Le traitement homéopathique aide efficacement les fumeurs décidés. Il aide très bien les sevrages médicamenteux, domaine certainement le plus régulièrement accessible. Il aide les sevrages de comportement (achats, sexe) car il agit sur l’émotionnel. Il aide bien plus modestement (comme toutes les thérapeutiques d’ailleurs) dans les dépendances plus lourdes.
Il est surtout une interface essentielle d’échange de l’intime et de l’éprouvé. La finesse de notre art de chercher le similimum nous fait passer pas très loin de la profondeur, de l’être, de la souffrance, de l’inexprimé. Une occasion d’être dans l’humain, vraiment, avec la noblesse de ses faiblesses.

Dr Daniel Scimeca

 

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